Parmi les trucs que l’on apprend lors de son premier stage Ć l’hĆ“pital, on retrouve : l’observation mĆ©dicale.
Pour lāĆ©tudiant en mĆ©decine, faire une bonne observation mĆ©dicale est lāĆ©tape pratique dāapprentissage de lāart mĆ©dical. Pour le malade, cāest le fondement du diagnostic, et donc du pronostic et du traitement
Vous arrivez tout content avec votre blouse et votre stĆ©thoscope flambant neuf, entassĆ© avec un bon nombre de vos collĆØgues externes et cherchant dĆ©sespĆ©rĆ©ment la salle des internes.
Puis arrive, le grand patron qui lance sa phrase : Ā«Ā bon les externes, je veux que tous les dossiers des patients soient Ć jour et que vous fassiez une observation mĆ©dicale pour tous les nouveaux patientsĀ Ā».
Et lĆ , 2 options :
- soit votre interne est cool et a le temps de vous expliquer en dĆ©tail (et Ƨa, c’est chouette)
- soit vous devez vous dĆ©brouiller tout seul (et c’est souvent ce qui arrive).
Malheureusement, j’ai encore dans mon service des Ć©tudiants qui ne savent pas faire une observation mĆ©dicale complĆØte et de ce fait qui n’arrivent pas Ć faire de diagnostics (alors que c’est quand mĆŖme la base du boulot).
Mais alors, comment fait on une observation mĆ©dicale ? Mais surtout, comment fait on une trĆØs bonne observation mĆ©dicale ? Une observation utile, bien prĆ©sentĆ©e, complĆØte et qui fait le taf, c’est Ć dire, qui transmet la bonne information ?
Je vous propose de voir ensemble, comment construire une bonne observation mĆ©dicale pour que vous puissiez ĆŖtre rapidement autonome (et impressionner le grand patron).
Vous trouverez Ć la fin de l’article plusieurs document Ć tĆ©lĆ©charger que vous pourrez conserver sur une clĆ© USB pour les utiliser dans vos stages (vous n’avez qu’Ć l’imprimer avant d’aller voir le patient et Ć la remplir en direct). Je vous mettrais aussi une mind map rĆ©sumĆ© pour que vous puissiez avoir une vision globale.
Si vous ne comprenez pas un terme mĆ©dical, je vous conseille d’aller sur le site vocabulaire-medical.fr pour vous donner la dĆ©finition, c’est bien pratique au dĆ©but !
Le premier temps de l’observation mĆ©dicale : la prise de contact
Se prƩsenter
Cela semble Ć©vident, mais avant de rentrer dans la chambre d’un patient, on frappe Ć la porte pour Ć©viter de surprendre M. Grolard tout nu dans sa chambre, puis on se prĆ©sente (le nom et le titre).
Ex : Ā«Ā Bonjour M. Truc, je m’appelle Julien et je suis Ć©tudiant en mĆ©decine, je viens vous examiner et vous poser quelques questions pour faire votre observation mĆ©dicaleĀ Ā».
Jeter un coup d’oeil global
Rechercher des critĆØres de gravitĆ©
Posez-vous la question : y a-t-il des signes qui imposent une dĆ©cision mĆ©dicale et un traitement urgent chez ce malade, lĆ tout de suite ?
Les signes Ć rechercher : pĆ¢leur, sueurs, dyspnĆ©e, marbrures, cachexie, faciĆØs douloureux
Les premiers ƩlƩments objectifs du diagnostic :
- Sexe, Ć¢ge, ethnie, morphotype, apparence gĆ©nĆ©rale, environnement du patient
- Ex : le patient est-il amputƩ ? est-il vieux ? est-il propre sur lui ?
Attention pas d’interprĆ©tation ! on reste objectif !
Avoir des rƩflexes de raisonnement
Par exemple : tout zona aprĆØs 50 ans doit faire rechercher un VIH (allez jetez un coup d’Åil Ć mon article sur les choses Ć ne pas oublier en mĆ©decine pour plus d’exemples).
DeuxiĆØme temps de l’observation mĆ©dicale : l’interrogatoire
Maintenant qu’on a fait un rapide tour d’horizon du patient en rentrant dans sa chambre, on va pouvoir commencer Ć lui poser des questions et commencer Ć faire l’observation mĆ©dicale Ć proprement parler.
Il y a 3 rĆØgles Ć connaĆ®tre pour un interrogatoire de qualitĆ© :
Faire sortir la famille de la piĆØce, vous les verrez par la suite (devant leur maman, les ados ont un peu de mal Ć dire qu’ils fument par exemple).
Prendre des notes au fur et Ć mesure : Ƨa permet de faire des pauses dans l’interrogatoire et de rĆ©flĆ©chir.
PrioritĆ© au signe d’appel : kĆ©zako Ƨa ? Le signe d’appel c’est le signe premier qui a fait consulter le malade par exemple : la douleur dans le dos. Vous allez voir que le patient va parler de tout, mais aussi de rien et ce sera Ć vous de faire le tri. Gardez comme fil d’Ariane ce signe d’appel pour le raccrocher par la suite Ć un syndrome.
Par oĆ¹ commencer ?
Quel est le motif d’hospitalisation ou de consultation ?
Je commence TOUJOURS par cette mĆŖme question : qu’est-ce que qui vous gĆŖne ? ou bien : pourquoi ĆŖtes-vous lĆ ?
Remarquez que je ne demande pas : comment Ƨa va ? Je bosse en cancĆ©rologie donc forcĆ©ment Ƨa ne va pas. Ā«Ā Docteur j’ai un cancer qui me bouffe le sein, mais sinon Ƨa vaĀ Ā».
Non en vrai Ƨa n’arrive pas ce genre de choses. Donc plutĆ“t que de lancer une question trĆØs ouverte, je prĆ©fĆØre fermer un peu la question et au lieu de demander ce qui va, je demande ce qui ne va pas (parce qu’au final c’est pour Ƨa que le patient est lĆ ).
Eviter de commencer par des questions d’Ć©tat civil (date de naissance, etc). C’est souvent dĆ©jĆ notĆ© dans le dossier et le patient y a dĆ©jĆ rĆ©pondu au moins 4 fois avant vous.
On commence toujours par le symptĆ“me qui motive la consultation ou l’hospitalisation (diarrhĆ©e, cĆ©phalĆ©e, etc) : le signe d’appel.
On fait d’abord une Ć©tape non directive (on laisse le malade parler) puis directive (on pose des questions et on reformule).
L’Ć©tape non directive : le malade parle librement de sa plainte
J’insiste : de sa plainte, pas du fait qu’il a attendu 3 jours avant de pouvoir voir un mĆ©decin. N’hĆ©sitez pas Ć recadrer le malade s’il se perd ou si ses informations ne sont pas assez prĆ©cises.
Ā
Le fait de laisser parler le malade vous apporte plusieurs informations :
- Le retentissement global du symptƓme
- Le profil intellectuel, social et professionnel du malade : chaque personne peut exprimer un mĆŖme symptĆ“me d’une faƧon complĆØtement diffĆ©rente
Vous devez vous adapter au langage du patient et tenir compte du fait que le patient fait dĆ©jĆ une interprĆ©tation de ses symptĆ“mes (par exemple : j’ai mal aux reins pour dĆ©signer une douleur dans le bas du dos).
L’Ć©tape directive : le mĆ©decin reconstitue l’histoire de la maladie
1ĆØre Ć©tape : analyse des symptĆ“mes oĆ¹ l’on va :
- Traduire les mots du patient en langage mƩdical et Ʃliminer les informations inutiles
Ex : Ā«Ā Docteur j’Ć©tais essoufflĆ© en rentrant des coursesĀ Ā» : on ne garde que l’essoufflement et on le traduit par dyspnĆ©e.
2. DƩmembrer les diagnostics prƩconƧus pour revenir aux symptƓmes initiaux
Le patient vous dit qu’il a eu la grippe ? Revenez aux symptĆ“mes initiaux : courbatures ?
3. PrƩciser chaque signe fonctionnel
Ex : pour une douleur on prĆ©cise son siĆØge, l’irradiation, le type, intensitĆ© (caractĆØre insomniant, retentissement sur la vie quotidienne), mode dāapparition, horaire, durĆ©e, pĆ©riodicitĆ©, facteurs dĆ©clenchants, calmants, aggravants, symptĆ“mes associĆ©s.
2ĆØme Ć©tape : regroupement en syndrome
Avec la sĆ©miologie, on essaie de rattacher les symptĆ“mes dans un syndrome en tenant compte de la chronologie (c’est diffĆ©rent d’avoir mal Ć la tĆŖte depuis 1j que depuis 10 ans).
Puis on pondĆØre les symptĆ“mes en fonction de leur importance.
Les questions systƩmatiques
Recherche d’autres signes fonctionnels, appareil par appareil : cardio, pneumo, digestif, etc (je vous ai fait une petite fiche avec les principaux signes fonctionnels Ć tĆ©lĆ©charger en fin d’article).
AntƩcƩdents personnels : mƩdicaux, chirurgicaux, gynƩcologiques, psychiatriques.
AntƩcƩdents familiaux
Mode de vie : contexte familial, social et professionnel, prise de tabac, alcool et toxiques, voyages en zone endƩmique.
Traitements
- C’est lĆ que tu t’aperƧois que le malade a oubliĆ© de te dire qu’il est hypertendu et en hypothyroĆÆdie
- C’est aussi lĆ que tu comprends que les mĆ©dicaments, Ƨa peut faire aussi du mal (toujours penser Ć la pathologie iatrogĆØne)
- Notez les traitements en cours (sans oublier les collyres, les suppositoires, etc) ainsi que les traitements importants suivis par le passƩ
Allergies : mƩdicaments et autres
3ĆØme temps de l’observation mĆ©dicale : l’examen clinique
MatĆ©riel nĆ©cessaireĀ : stĆ©thoscope, marteau Ć rĆ©flexes, ruban mĆ©trique, abaisse-langue, source de lumiĆØre, Ć©pingle Ć nourrice, diapason (pour les plus motivĆ©s : des gants et de la vaseline).
On examine le malade allongƩ, assis et debout.
Puis on examine le malade rƩgion anatomique par rƩgion anatomique.
Ne pas hĆ©siter Ć faire des dessins.
IntĆ©grer les dĆ©couvertes de l’examen clinique dans les syndromes Ć©voquĆ©s.
On dĆ©diera d’autres articles pour savoir comment bien examiner un patient.
4ĆØme temps de l’observation mĆ©dicale : la synthĆØse clinique
C’est le moment le plus important de l’observation mĆ©dicale, qui va permettre de mettre en ordre toutes vos idĆ©es pour en faire ressortir le plus pertinent.
Cela vous permettra de faire des hypothĆØses diagnostiques qui guideront la demande de vos examens complĆ©mentaires.
Doivent apparaĆ®tre impĆ©rativement dans la synthĆØse : sexe, Ć¢ge, antĆ©cĆ©dents notables, motif d’hospitalisation, syndromes avec leur chronologie.
Exemple de rƩdaction :
Au total :
Homme de 58 ans, hypertendu, pris en charge pour une confusion aigĆ¼e prĆ©sentant un syndrome mĆ©ningĆ© fĆ©brile aigu.
HypothĆØses diagnostiques : on les classe par probabilitĆ© dĆ©croissante.
Je vous montrerai dans un autre article comment faire une synthĆØse mĆ©dicale pour ĆŖtre au top pendant vos gardes.
5ĆØme et dernier temps de l’observation mĆ©dicale : la conduite Ć tenir
Quels examens complĆ©mentaires demander pour Ć©tayer vos hypothĆØses ?
Quels traitements symptomatiques mettre en route pour soulager le malade si besoin ?
Conclusion
Faire une observation mĆ©dicale c’est difficile mais Ƨa s’apprend. Et c’est en en faisant que vous progresserez. C’est Ć Ć§a que doivent servir vos stages. Pas Ć faire le secrĆ©taire, pas Ć classer des bios dans les dossiers, pas Ć taper des courriers.
Faites-vous aider : vous avez le droit de ne pas savoir mais vous n’avez pas le droit de ne pas demander. Montrez Ć vos internes et Ć vos chefs que vous ĆŖtes intĆ©ressĆ©s, ils vous montreront des choses en retour.
Enfin, vous verrez qu’aprĆØs avoir passĆ© 1h avec le patient, vous aurez appris Ć mieux le connaitre et que vous aurez amorcĆ© le dĆ©but d’une relation mĆ©decin-malade. Et Ƨa, c’est plutĆ“t cool š
Il manque quelque chose dans cette observation mĆ©dicale ? Faites le moi savoir dans les commentaires pour l’amĆ©liorer !
Documents Ć tĆ©lĆ©charger (Ć avoir sur soi sur une clĆ© USB ou Ć imprimer)
La Mind Map : Observation MĆ©dicale
La liste des principaux signes fonctionnels
La fiche : Observation mĆ©dicale (Ć imprimer avant d’aller voir le malade)
La version longue – Pour aller plus loin dans la comprĆ©hension
(Vous pouvez faire un clic droit sur le lien et cliquer sur : Enregistrer le lien sous…)
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